Les rayures de ta différence

Publié le 20 janvier 2023 à 18:26

        Ce sentiment de différence, de ne pas être comme les autres, l'as-tu déjà ressenti ? Ce sentiment horrible qui te dit que tu n'es pas à ta place, que tu n'as ta place nulle part. Parce que tu ne penses pas comme tout le monde, parce que tu penses en-dehors de la pensée commune. Parce que tu ne rentres pas dans le moule de la société, parce que tu ne corresponds à aucune attente. Tu es cette créature solitaire que la société, que les gens, que même tes amis ne comprennent pas. On ne pourra jamais te comprendre. Ou moi. On ne pourra jamais me comprendre. Parce que je n'arrive pas, je ne peux pas être comme tout le monde. Le banal m'énerve. La lenteur m'énerve. Le quotidien m'énerve. Non, je ne suis jamais dans l'abus, je ne vois pas de quoi tu parles.

 

Parfois je m'en sors, parfois c'est trop. Parfois je n'en peux plus de ne pas être comprise, d'avoir l'impression d'être plus lucide, d'avoir tout analysé et compris quand les autres n'en sont qu'au début, de lire les autres comme dans des livres ouverts. Comme si je portais constamment les lunettes du monde et de la clairvoyance. Alors oui, c'est plutôt stylé quand on y pense, et peut-être voudrais même tu essayer : tu porterais ces lunettes quelques heures, quelques jours, mais tu finirais par les enlever. Car c'est trop. Je suis trop. Je pense trop, je vois trop, je comprends trop. Toi aussi, tu te reconnais ?

 

 

        Cette année, je n'en pouvais plus. Je sais que le mois de novembre et la période hivernale qui suit me donne le blues, une sacrée déprime à la limite de la dépression. Alors je suis allée voir une psychologue en lui expliquant à peu près ce que je viens de t'écrire. Elle m'a laissé parler, m'a posé des questions et, à la fin de la séance, elle m'a affirmé très clairement : "Vous avez un Haut Potentiel Intellectuel et de très fortes émotions." En gros, mais je ne l'ai pas compris sur le moment, elle me disait que j'étais "surdouée" et "hypersensible". Tu y crois, toi ? Moi, non. Au début tout du moins. Je n'y ai pas cru. Je me suis dit qu'elle exagérait, parce que non je ne suis pas super intelligente, non je ne pleure pas dès que quelque chose ne va pas, non je n'ai pas la science infuse.

 

Pourtant les recherches que j'ai faites m'ont menées à ce même chemin : tout pousse à croire que, oui, je suis/j'ai un HPI. Laisse-moi t'expliquer en quoi cela consiste mais, tout d'abord, sache que ce n'est ni une maladie, ni une qualité ni un défaut. C'est une façon d'être au monde. C'est une façon d'exister. Tu as tout pareil que les autres, mais en plus. Tout est beaucoup plus développé, ce qui fait que tu es "trop" (enfin, ce n'est que moi qui me cantonne à cette appellation à la limite du péjoratif...). Quoiqu'il en soit, tu peux déjà te réjouir : nous sommes très rares ! En effet, nous sommes entre 1% et 3% dans le monde, te rends-tu compte ? Alors savourons quelques instants la chance que nous avons d'être particulièrement rares. Oui, le temps d'un instant, faisons de notre différence une force, une qualité, un atout.

 

 

        Découvrir que j'étais HPI, sans vouloir sortir une phrase banale, m'a "changé la vie".  Je dois dire que c'est surtout un immense soulagement que j'ai tout d'abord éprouvé. En effet, savoir que ce que je ressentais au quotidien n'était pas le fruit de mon imagination mais bien quelque chose de réel, de reconnu et vécu par d'autres personnes, quel soulagement ! Quel immense soulagement, tu n'imagines pas ! Plus je lisais le livre que m'avait prêté la psychologue, et plus je me reconnaissais. Il s'agit du livre de Jeanne Siaud-Facchin, Trop intelligent pour être heureux ? L'adulte surdoué. Au début de ma lecture, je ne te l'aurais très probablement pas recommandé mais, à présent que j'ai accepté ce fait et les caractéristiques, je te le recommande, il donne toutes les explications, toutes les caractéristiques, c'est comme si ce livre lisait en toi, il aurait pu s'appeler "Marine" que je n'en aurais pas été choquée !

 

 

        Tout cela pour dire quoi ? Pour dire qu'au début, j'étais plus que sceptique : la psychologue devait exagérer, et puis ce livre ne dit rien de moi. Il parle d'intelligence, de perception du monde. Alors oui, je me reconnaissais, mais de loin. Comme s'il s'agissait d'une infime partie en moi qui se reconnaissait mais que, dans la globalité non, ce n'était pas de moi que l'auteure parlait. Pourtant, au fil de ma lecture, je fis un effort : je me reconnaissais de plus en plus dans certaines caractéristiques, bien que d'autres ne me parlaient pas du tout. La psychologue m'a dit qu'il n'y avait rien de plus normal. Qu'être HPI ne voulait pas dire cocher toutes les cases de toutes les caractéristiques, mais se reconnaître dans la plupart d'entre elles. Le livre de Siaud-Facchin est génial pour cela : elle dédie un livre entier à faire la liste des caractéristiques des HPI, le ponctuant des témoignages de ses patients qui, pour la plupart d'entre eux, ont su résonner en moi. Lire une description fade d'un fait m'éloignait parfois de la réalité tandis qu'un témoignage faisait soudainement écho à ce que je ressentais vraiment, profondément, au fond de moi. Savoir que d'autres personnes avant moi sont passées par cette phase d'acceptation, savoir que des mots existent pour décrire tout ce que sur quoi j'étais incapable de poser des mots autrefois, quel soulagement ! Rien de plus soulageant, finalement, que de rentrer dans une case, enfin. De se sentir appartenir à quelque chose, à un groupe.

 

Après la lecture de ce livre et après avoir bien évidemment pris de nombreuses notes, j'ai rejoué ma vie au prisme de mon HPI. Et tout à coup, tout s'est éclairé : je comprenais enfin ce décalage, ce sentiment de solitude, d'incompréhension. J'ai compris pourquoi j'avais pu agir de telle ou telle manière, répondre de telle ou telle manière, changer de telle ou telle manière. Je sais également que, puisque le HPI est ce "trop"  comme j'aime l'appeler, il a accentué tous mes sentiments, toutes mes émotions, toutes mes réactions : quand je n'allais pas bien durant toutes ces années, ces sentiments horribles ont été accentués par ce HPI. Que je l'aie su plus tôt n'aurais rien changé, toutefois le savoir aujourd'hui me rassure. Je n'étais pas folle, ou pas complètement tout du moins.

 

         Je n'osais pas tellement être moi-même. Je me sentais trop différente, alors je me renfermais sur moi-même, je ne parlais pas. J'étais l'ombre de moi-même, je vivais dans un puzzle où la pièce manquante, c'était moi. Je manquais à ma vie, à mon existence. Dès lors que j'ai pu poser des mots sur cette différence qui jusqu'alors n'avait été qu'une souffrance, j'ai commencé à respirer, ou à essayer de respirer. Cet air frais, qu'il m'avait manqué ! Savoir que je pouvais enfin m'autoriser à être vraiment différente car je ne suis pas folle mais que d'autres vivent, pensent, agissent, réagissent, analysent beaucoup plus et beaucoup plus rapidement que les autres, tout comme moi, c'est le bonheur. C'est le bonheur absolu ! C'est comme si tu te sentais extra-terrestre depuis le début, alors que tu es humaine ! N'est-ce pas là un soulagement qui se savoure, dont nous nous devons de nous délecter ? Permets-moi de répondre à ta place : si, si ! 

 

 

Sans plus tarder, voici une liste regroupant à mes yeux une grande majorité des principales caractéristiques des HPI. En les lisant, demande-toi si tu te reconnais dans ces caractéristiques !

PS n°1 tant que j'y pense : il est également possible de rencontrer les appellations "zèbre", "surdoué, "précoce" , et toutes renvoient à ce même concept, cette même particularité qu'est celle d'être HPI.

PS n°2 parce que j'y pense : ces caractéristiques sont humaines, tout le monde s'y reconnaît forcément un peu. La différence réside dans le fait que le HPI se reconnaîtra dans presque toutes les caractéristiques, et ce à un degré assez élevé.

 

  • Notre intelligence cognitive est supérieure à la moyenne : en gros, notre Quotient Intellectuel est supérieur à la moyenne des autres personnes de notre âge.
  • Une créativité assez prononcée
  • L'hypersensibilité, sinon c'est pas drôle
  • Maîtriser l'humour, et particulièrement l'humour noir (bienvenue au club !)

 

  • Une empathie très forte : je ressens littéralement les émotions des autres comme si c'étaient les miennes, et je les perçois généralement sans que la personne ne me le dise, simplement l'observer me suffit (non, je ne passe pas mon temps  à "observer" les autres pour savoir ce qu'ils ressentent, promis !). Tu as cette perception plus que fine des intentions, des pensées et des sentiments de la personne qui se tient en face de toi. Tu vois clair en elle.

 

  • Une pensée en arborescence : c'est tout bonnement aussi cool et stylé qu'insupportable  : penser à une chose te fait penser à une autre, puis ça va te donner une idée, qui va en amener une autre, et ainsi de suite. Par exemple en lisant, je vais m'arrêter sur une phrase qui me fait réfléchir ou me fait penser à quelque chose. Et là, c'est la catastrophe : je peux être sûre de ne pas reprendre la lecture avant de looongues minutes, le temps que toutes mes pensées viennent, s'ajoutent, se confrontent, puis repartent. Aussi cool et stylé qu'insupportable.

 

  • Le perfectionnisme : eh oui, je ne vais pas le cacher, c'est à mes yeux autant une qualité qu'un défaut. Quand tu termines un travail mais que tu ne peux pas le rendre tel quel car il n'est pas "parfait". Alors tu le modifies. Tu rayes. Tu réécris, tu reformules, tu cherches le bon mot, le mot juste, le mot parfait. Mais tu ne trouves pas cette perfection. Alors tu rends ton travail en n'étant qu'à moitié satisfaite.

Par exemple, je sais pertinemment que je ne serais jamais complètement satisfaite d'aucun article que je pourrais bien publier sur ce blog, te rends-tu compte ? Pourtant, j'ai ce sentiment assez paradoxal : je publie l'article en étant satisfaite de moi-même car je sais que je ne pourrais pas faire mieux, mais ce n'est pas pour autant que j'en suis fière, saisis-tu la subtile nuance ?

 

  • Une sacrée curiosité ! Cette curiosité n'est pas une simple curiosité qui consiste à dire "Oh, qu'est-ce que sait que ça ?" Puis faire quelques recherches. Non. La vraie curiosité, ou tout du moins celle que nous mentionnons ici, est cette insatiable curiosité : tu as besoin d'être intellectuellement stimulé, en permanence. Sinon, tu te sens vide, bête, inutile. Tu ne sais plus quel est ton but, ton existence. J'exagère à peine, voilà presque un mois que je ne suis pas allée en cours, alors je peux te dire qu'heureusement que je m'instruis de mon côté et de mon initiative, sans quoi j'aurais déjà fait trois dépressions et six crises cardiaques !

Bref, cette curiosité ne connaît pas de fin, car c'est elle qui t'anime, elle est ta raison d'être, de penser et d'exister. Tu ne peux pas te contenter de lire entre deux lignes, de rester à la surface : la moindre zone d'ombre, tu te dois de l'éclairer. Tu as ce besoin constant d'apprendre, de te sentir intellectuellement riche et vivante.

 

  • Ta pensée est intuitive : très souvent, tu n'as qu'à regarder pour savoir, observer pour comprendre. Tu te fies à ton instinct, et il ne te trompe que rarement. Tu te rends compte, si tu ne l'as pas écouté au début, qu'il avait raison.
  • Le fameux syndrome de l'Imposteur, eh oui.

 

  • Cette fameuse, elle aussi, impression de décalage : de ne pas vivre en même temps que les autres, l'impression de toujours tout comprendre de travers, l'impression de ne pas être à ta place.
  • C'est également la préférence à travailler seul, ne pas aimer l'autorité, n'aimer les groupes que lorsque l'on se sent soutenu et utile.

 

  • Être très (trop ?) énergique, dynamique : il s'agit-là de cette recherche de la vie à 100 à l'heure, ne pas se poser, n'avoir jamais l'esprit tranquille, mais au contraire constamment regorgeant de nouvelles idées, pensées, ressasser encore et encore les mêmes pensées, innover encore et toujours plus. Inarrêtable machine.

 

  • "Du trop penser à l'impulsivité" (expression de Jeanne Siaud-Facchin) : c'est comme si tu créais des conflits...inutiles. Tu dis que tu ne l'as pas fait exprès, que tu n'avais pas compris, que tu n'avais pas pensé aux conséquences. Pour celui qui t'écoutes, tu es la mauvaise foi incarnée. Pour toi pourtant, tu penses tout ce que tu dis là ! C'est par exemple se fermer comme une huître pour bouder. Ces justifications peuvent être prises comme de l'insolence, de l'impertinence ou de la provocation.

 

  • L'inhibition non latente : le fait de trier automatiquement les informations et données. Toi, en tant qu'HPI, c'est un tri qui s'effectue manuellement. Par exemple, alors que le bruit d'une horloge est automatiquement mis de côté lors d'une conversation car ce n'est pas l'élément central, un HPI va s'attarder sur ce bruit, se rendre compte qu'il le dérange et devra, par conséquent, fournir un effort supplémentaire et purement volontaire pour y faire abstraction.

 

  • "Quand j'ai un problème, je vois le début, je vois la fin, mais au milieu je ne sais pas ce qu'il y a." (J. Siaud-Facchin) : par exemple, savoir quelque chose en cours et être sûr de la réponse, mais être incapable de l'expliquer.

 

  • D'abord voir des images avant de les transformer en mots. Tout est très clair dans ta tête, pourtant poser des mots dessus relèverait presque de l'impossible à moins, pour ma part tout du moins, d'écrire, seul avec soi-même : de cette manière, les mots viennent d'eux-même.

 

  • Vouloir résoudre tous les malheurs du monde : la seule idée de l'injustice t'es insupportable. Cela implique que tu prennes toujours la défense de la personne qui, à tes yeux, le mérite. C'est se moquer des représailles car tu éprouves le besoin presque vital de venir en aide à cette personne.

 

  • Un décalage de tempo : le monde va trop vite, ou trop lentement. Pour ma part, trop lentement. J'ai souvent l'impression que le monde tourne au ralenti. Il me suffit généralement de voir une personne pour que je sache ce qu'elle s'apprête à me dire, et la laisser parler alors que je sais pertinemment où elle veut en venir me coûte un bras, combien de fois ai-je eu envie de couper la parole pour directement répondre à mon interlocuteur ! Je considère que ce serait un gain de temps considérable, mais mon interlocuteur prendrait cette intervention comme de l'insolence, de l'impertinence voire un manque de respect. Ce qui est tout aussi compréhensible ! C'est également l'impression de perdre son temps car les gens ne parlent pas assez vite, qu'ils se perdent dans des détours bien que leur pensée puisse être parfaitement claire et construite, l'impression de perdre son temps car le temps lui-même ne passe pas assez vite. D'où le dynamisme et l'énergie mentionnés précédemment, c'est l'histoire du serpent qui se mord la queue !

 

  • Ce besoin vital de sens : en effet, c'est poser toujours plus de questions pour cerner le sujet et le confronter de haut en bas et de long en large. C'est épuiser le sujet jusque dans ses moindres ressources, l'épuiser jusqu'à ce qu'il n'ait plus de secrets pour nous. Parfois, poser autant de questions dérange, les autres ayant de ce fait l'impression que nous ne les croyons pas ou que nous remettons en cause leur compétences et connaissances. Il ne s'agit à nos yeux que d'un besoin de comprendre, sans quoi nous sommes comme tracassés et ne pouvons pas effectuer notre travail, puisque ce dernier nous semble vide. Il faut que tout ait un sens.

 

  • Des valeurs morales fortes, s'accompagnant, comme mentionné précédemment, d'un sens aigu de la justice.

 

  • Le faux-self : une tendance que l'on parvient parfois à enlever : se camoufler pour faire semblant d'être comme tout le monde, enfouir ses émotions et ses pensées pour ne pas qu'elles viennent déranger, questionner les autres, pour mieux passer inaperçu. Parfois, être dans l'ombre fait du bien, cependant il ne faudrait pas garder ce masque trop longtemps, sans quoi il finit par se coller à la peau : et là, c'est la fin des haricots. En effet, il ne faudrait pas effacer sa personnalité, sinon tu te perds ! C'est ce que j'ai fait bien trop longtemps, et crois-moi, je regrette tout ce temps perdu.

 

Et voilà ! Je t'ai listé ici les principales caractéristiques d'un HPI ! Tu seras maintenant mieux à même de comprendre ces personnes si singulières qui t'entourent peut-être, ou alors te connais-tu maintenant un peu mieux, ou alors t'es tu simplement cultivée, tu te coucheras moins bête ! Es-tu HPI ? Connais-tu des personnes de ton entourage qui le sont ? Dis-moi tout dans les commentaires !

 

 

 

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